La lecture rapide, Que faut-il en penser ?
Si l’on doit chercher des méthodes pour améliorer nos compétences intellectuelles et faciliter les apprentissages, la lecture rapide semble être un pré requis très intéressant.
C’est en tout cas ce que je me suis dit. On s’entend promettre une lecture jusqu’à 1000 mots minutes voire bien plus.
Le champion du monde de lecture rapide et de mindmapping 2021, Kamel Kajout a lu 68000 mots en 10 minutes.
Évidemment cela fait rêver et en éternelle curieuse que je suis, mais toujours critique, j’ai rapidement acheté un livre et tenté l’expérience pour m’en faire ma propre idée. Pour mon essai, j’ai choisi le livre de Tony Buzan « la lecture rapide » (j’en détaillerai la mise en pratique dans la pages mes défis; je lis j’applique)
Dans cet article, je vous propose de faire le point sur ce qu’est la lecture en tant que processus cognitif, de voir quels bénéfices sont promis par la pratique de la lecture rapide, de détailler les principes généraux de cette méthode.
Il me parait important également de rechercher le point de vue de la science et d’en tirer enfin quelques conclusions.
1- La lecture; un processus cognitif :
Elle est reconnue de longue date comme un élément incontournable de presque tout objectif didactique bien que de plus en plus supplantée par la vidéo surtout aux yeux la jeune génération.
La lecture est un acte Lexique qui consiste à mettre en relation des symboles graphiques avec le langage oral pour former un ensemble sémantique (mots, phrases et textes) ayant du sens.
Cela implique des mécanismes de reconnaissance des mots et une interaction avec les connaissances générales du lecteur sur le sujet qu’il est en train de lire.
Cela se fait en 4 étapes (Cf Brigitte Marin, Denis Legros Psycholinguistique cognitive de la lecture)
- Unités sonore élémentaires de la langue orale: Phonèmes (en Français, il y a en 36. 16 voyelles et 20 consonnes).
- Correspondance des phonèmes et graphèmes (plus petite unité du système graphique. ex: {O} = O, au, eau : soit, trois graphèmes pour un phonème).
- Recherche de la signification de cet enchaînement de graphèmes.
- Mise en mémoire et recherche de sens global des mots, phrases et textes.
Dans le cerveau, ce travail est fait au niveau du lobe temporal de l’hémisphère gauche.
En terme d’apprentissage, la lecture est soit apprise avec la méthode syllabique (on apprend d’abord les lettres puis on les combine entre elles pour former des mots), la méthode globale (une image avec le mot global qui la représente en dessous), soit un mélange des deux. La nécessité de contrôler la compréhension de l’enfant au cours de cet apprentissage implique une vocalisation pendant la lecture.
2- La lecture rapide
Un des enjeux majeur de la société actuelle est de faire face à un afflux incessant de données à analyser. L’esprit humain est sollicité de toute part, l’accès à la connaissance est à portée d’un clic sur internet mais la quantité d’informations est tellement importante qu’il est certainement crucial de pouvoir lire vite.
La caractéristique commune des gens qui réussissent dans la vie serait leur attrait commun pour la lecture en très grande quantité (pour en savoir plus sur la lecture et les entrepreneurs, je vous conseille cet article ↑ ).
Warren Buffet aurait déclaré qu’un de ses regrets dans la vie est de ne pas avoir appris à lire plus vite plus tôt dans sa vie.
Selon Tony Buzan, la lecture rapide trouverait son origine au XXI siècle après une découverte de la Royal Air Force. Les pilotes ayant du mal à distinguer les avions ennemis, ils mirent au point un appareil nommé tachistoscope où des points lumineux représentent les avions. En accélérant progressivement la rapidité d’apparition des points lumineux, ils mirent en évidence la capacité du cerveau humain à améliorer sa « lecture » de l’information.
La lecture moyenne d’un individu est entre 200 et 400 mots minutes.
Au delà du simple fait de lire vite et de pouvoir intégrer une plus grande quantité d’information en moins de temps, les adeptes de cette pratique nous en vantent tous les mérites.
3- Bénéfices attendus de la lecture rapide:
- Amélioration de la mémoire: Idée selon laquelle, décupler le nombre d’informations mises à disposition permettrait de développer la mémoire. Celle-ci étant considérée comme un muscle, plus on lui en donne plus elle croit.
- Amélioration de la concentration: Cette pratique nécessite de s‘extraire de toute distraction pour pouvoir être efficace. De ce fait elle entraînerait l’individu à rester focalisé sur son travail et donc développer cette capacité dans d’autres domaines.
- Augmentation de la confiance en soi: En permettant de se démarquer, en ayant la capacité à emmagasiner plus d’informations, en obtenant de meilleurs résultats scolaires, les enfants maîtrisant assez tôt cette technique auraient une meilleure compréhension du monde ce qui faciliterait leurs interactions sociale.
- Diminution du stress: La pratique de la lecture d’une manière générale améliore les symptômes des troubles anxieux.
- Augmentation des capacités intellectuelles: Elle augmenterait le nombre de neurones et améliorerait la communication entre les parties du cerveau qui contrôlent le traitement du langage.
- Prévient le déclin cognitif lié à l’âge.
Vous l’aurez peut-être noté, je reste au conditionnel quant aux avantages supposés amenés par la lecture rapide. Mon esprit de soignante souhaite toujours trouver les textes originaux de toute recherche dite scientifique. Force est de constater, ici, qu’il y a une foule de références citées dans les blogs vers lesquels je vous renvoie en liens mais il m’a été presque impossible de retrouver les textes originaux pour beaucoup d’entre eux.
4- Méthode.
Il est recommandé avant toute chose de pratiquer un test de lecture qui vous permettra de connaître votre niveau de départ en terme de vitesse et en terme de compréhension. Je vous conseille par exemple ce blog sur lequel vous trouverez un test d’évaluation. Il en existe bien d’autres.
Pour améliorer sa vitesse de lecture, les adeptes nous donnent quelques conseils. Il faut commencer par perdre certaines mauvaises habitudes pour en prendre (ou en reprendre) de meilleures. Je m’explique:
- A- Analyser son objectif: Est-ce une lecture plaisir, une recherche, un travail scolaire en vue d’un examen? De quel style d’écrits s’agit-il? On ne lit pas de la même manière un poème, un texte de Socrate, une revue, un roman ou un article scientifique.
- B- En finir avec la subvocalisation: C’est le phénomène consistant à prononcer mentalement les mots lus lors d’une lecture silencieuse.
La vitesse parlée avoisine 200 mots minute pour 200 à 400 mots minute en moyenne pour la lecture.
- C- Contrôler le regard: L’œil fait en permanence des retours en arrière pendant la lecture et ralentit, de fait, la rapidité de lecture. Pour accélérer il faut tendre à empêcher le regard de repartir en arrière sur des mots déjà lus et mieux encore lire plusieurs mots ensemble, par blocs.
Une technique proposée pour y arriver et de suivre la ligne avec le doigt ou avec un stylo ce qui va aider l’œil à se fixer. Curieusement, l’école a passé beaucoup de temps à nous expliquer qu’il fallait arrêter de le faire…
Il est également recommandé de s’entraîner à ce que votre cerveau déchiffre plus vite avec des exercices de lectures de chiffres de plus en plus grands ou avec des applications fonctionnant sur le principe du tachistoscope. - D- Adapter son environnement: en terme de lumière, de position, de bruit, d’état d’esprit et de temps à y consacrer. En d’autres termes rechercher une situation propice à la concentration. Certains recommandent de le faire en musique (sans paroles) pour limiter le phénomène de subvocalisation d’une part et pour se détendre d’autre part.
Ne jamais perdre de vue que la concentration a besoin d’être stimulée et elle ne l’est jamais autant que par la passion pour ce que l’on fait. - E– Élargir son champ de vision: En regardant fixement un mot, vous pouvez rapidement prendre conscience de votre capacité à voir des choses en dehors de ce que vous êtes en train de fixer. Un des principes de la lecture rapide est de lire par blocs ou même par paragraphes en utilisant sa vision périphérique.
Commencer la lecture de chaque ligne à partir du 3ème mot et finir trois mots avant la fin de la ligne. - F- Considérer l’ensemble de votre texte à lire: Sa construction avec introductions, paragraphes, conclusion qui peuvent rapidement vous donner des éléments importants en survolant le texte une première fois.
Avoir présent à l’esprit les questions de base: Quoi, Quand, Où, Comment, Pourquoi. - G- Le repérage d’informations précises et d’idées phares: Si vous êtes arrivés jusqu’ici, en lisant en diagonale comme il se doit, votre regard a du être attiré par les mots en gras qui représentent l’ensemble des informations et des idées à retenir dans ce texte. La capacité à repérer les éléments importants est cruciale pour la compréhension et ce sont ces éléments là qui doivent attirer le regard du lecteur.
- H-Travailler vers une meilleure connaissance du vocabulaire: les principaux préfixes et suffixes souvent hérités du Grec ou du Latin pour le Français donne beaucoup d’indications.
Il s’agit ici d’un rapide recueil des principes de base glanés ici et là entre ouvrages sur le sujet et différents sites internet. Pour une analyse beaucoup plus en profondeur je vous recommande d’aller voir du coté de ce blog spécialisé sur la lecture rapide que je trouve très complet.
Pour conclure:
Après avoir testé cette pratique sur quelques semaines, j’en tire la conclusion qu’il y a effectivement des progrès possibles et rapides en matière de rapidité de lecture. Je lisais assez lentement au départ soit un peu moins de 200 mots minute et j’ai terminé à 450 mots minute.
Il y a eu une baisse de compréhension d’environ 20 à 30 % dès les premières accélérations pour finir par revenir au même niveau qu’au départ. A noter cependant que j’ai eu le sentiment de répondre plus au hasard que d’avoir réellement compris ce que je lisais…
Je reste donc évidemment un peu septique mais je reconnais qu’il faudrait un entraînement beaucoup plus poussé pour avoir de vrai certitudes.
Du point de vue de la science je vous recommande vivement la lecture de l’article de Julien Hernandez, journaliste scientifique, extrêmement bien documenté, technique et précis qui apporte un regard critique mais très constructif.
Je citerais également une expérience de lecture menée à l’I.U.T d’Orléans et dont les conclusions sont celles-ci: Les personnes ayant suivi un programme d’entraînement à la lecture rapide sont unanimes : leurs scores aux questions de compréhension sont significativement moins bons par rapport à ceux qui lisent à une vitesse normale.
Je finirais en disant, que cette pratique est finalement assez peu documentée scientifiquement.
Elle semble cependant offrir de vrais possibilités de nature à améliorer les compétences cognitives ne serait ce qu’en comprenant mieux les mécanismes impliqués dans la lecture et en appliquant certains conseils en fonction des objectifs recherchés.
Il est impensable pour moi de lire un roman en lecture rapide car je tiens absolument au plaisir de la lecture en elle même, mais elle est très utile pour le travail de recherche qui nécessite la lecture d’une très grande quantité de supports. C’est typiquement le cas pour la préparation d’un article comme celui-ci.
A vos plumes, vos avis m’intéressent!
Très intéressant comme article ! J’ai essayé de faire de la lecture rapide sur ton article… Effectivement on perd en compréhension haha ! Bravo en tous cas, belle expérience ! Abrazos.